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Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, fonds Desnos. reproduction interdite
Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, fonds Desnos. reproduction interdite

Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, fonds Desnos. reproduction interdite

La déclaration de Josef Stuna, confirmant l'identité de Robert Desnos, mort à Terezin le 8 juin 1945.

Josef Stuna est étudiant en médecine, il se porte volontaire pour travailler comme médecin auxiliaire à Terezin, après la libération du camp, au moment où sévit une épidémie de typhus.

Stuna relate les circonstances de sa rencontre avec Desnos et évoque les causes de la mort du poète.

Une petite différence avec ce que Stuna déclare dans l'interview donnée au journaliste français Samy Simon : Stuna précise ici que Desnos se trouvait alors dans la baraque n°1 (non dans la baraque n°2, celle où Stuna travaillait d'habitude).

A propos de la raison pour laquelle Desnos aurait été arrêté ("Il s'agissait d'une vétille et du délit principal, ils ne soupçonnèrent jamais rien") : le véritable délit (que les Allemands ignoraient) ne serait donc pas une participation de Desnos à la Résistance armée, mais ses activités de renseignements (journaliste, Desnos avait accès à des informations confidentielles que le réseau de Résistance "Agir"' transmettait aux services de renseignement alliés )

Stuna évoque les artistes surréalistes dont lui parle Desnos :

Arpe : il s'agit de Hans Arp

Haye ou Raye : Man Ray

Les noms des camps : Oswinecz est le camp d'Auschwitz (en polonais : Oświęcim)

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DECLARATIONS

faites au ministère de l'Information Tchécoslovaque,

par Monsieur Josef STUNA,

Médecin Auxiliaire de l'Hôpital de TEREZIN,

au sujet de la mort du Poète, Robert DESNOS.

Quelques indications attestant que celui dont j'ai fait la connaissance à Terezin était bien le poète Robert Desnos.

J'ai travaillé à l'hôpital auxiliaire de Terezin, quartier sud, baraque n°2. Dans la nuit du 3 au 4 juin de cette année, mon service m'a amené par exception dans la baraque n°1. En y parcourant les feuilles des malades, j'ai été frappé par le nom de Robert Desnos, né en 1900 de nationalité française. Autant d'indications personnelles concordantes qui me firent supposer avec la plus grande vraisemblance que j'allais avoir à faire au poète Robert Desnos.

Comme je m'adressais à lui en ces termes : « Connaissez-vous le poète Robert Desnos ? », il me répondit : « Robert Desnos, le poète français, mais c'est moi ». L'expression que je lui vis lors de cet ultime entretien valait mieux que tous les témoignages.

La ressemblance avec la photographie de Nadja de Breton, ne laisse subsister aucun doute. Le témoin, Mademoiselle Alena Tesarova (Prague XII, Korunni 107) peut le certifier. J'avais été retrouver cette demoiselle dès les premiers mots échangés avec Desnos (elle parle couramment le français) et elle assista à tous nos entretiens. Ils eurent, dans la suite, des conversations plus longues et plus fréquentes. Les présentes déclarations sont écrites d'après nos communes observations et dans le même esprit.

Dans la mesure où permettait d'en juger son incroyable maigreur, il avait le type somatique athlético-asthénique. Ossature et dentition bien développées. La face postérieure du crâne étirée vers le haut et inclinée. Nez fin, crochu. De grands yeux bleu-verts tant soit peu à fleur de tête.

Chevelure touffue, brun foncée, presque noire (il était tondu). Taille de 1,75 cm environ. Je ne l'ai pas vu debout. Incapable de se lever, il était sans cesse étendu, comme ramassé sur lui-même. Pigmentation brune. Son extérieur présentait quelque chose d'arabe, de sémite. De belles mains et une voix grave et sourde. Sur un de ses avant-bras, tatouage de son numéro de prisonnier qui m'a malheureusement échappé ; sur l'autre, tatouage plus ancien sans doute : une espèce de figure fantastique se diffusant en étoile. Comme je l'interrogeais sur tous les poètes et peintres surréalistes et d'avant-garde, Breton, Eluard, Péret, Fruste, Arpe, Haye, Tanguy, Huguet, Tzara, Picasso, Dali, etc... il m'apprit que Breton et Eluard étaient restés ses meilleurs amis, que Breton était en Amérique, tandis que Eluard était resté à Paris. Péret était tombé, Fruste, Arpe et Raye étaient en Amérique et que Tzara travaillait quelque part à Marseille comme vigneron. Il me dit une fois qu'il se réjouissait de pouvoir m'envoyer un jour son nouveau livre sur Picasso. Rien que la tournure de sa pensée et de son expression ne laissaient aucun doute sur son identité. Il conserva jusqu'à la fin le sens de la forme et une propreté soupçonneuse.

Il ne parlait pas volontiers de lui ni de littérature. Il me dit avoir été arrêté, incarcéré à Compiègne, Oswinecz, Buchenwald et finalement à Terezin. Il ne nous révéla que peu de choses sur les raisons de son emprisonnement. Il s'agissait d'une vétille et du délit principal, ils ne soupçonnèrent jamais rien : son activité illégale comme journaliste. Cela nous a été confirmé par un Belge de la même baraque et qui avait partagé un certain temps la cellule de Desnos. Il assurait que les articles où Desnos incitait ses compatriotes à combattre l'Allemand se distinguaient par leur radicalisme et leur virulence.

Lorsque nous fîmes la connaissance de Desnos, son état était déjà plus qu'inquiétant. A vrai dire, il se mourait. Son affaiblissement extraordinaire provenait de terribles diarrhées et de fièvres qui, deux semaines durant, oscillèrent à plus de 39°. Il ne pouvait s'alimenter, mais seule la soif le tourmentait. Encore s'il avait pu la satisfaire, mais, à Terezin, l'eau insalubre n'était bouillie qu'en petite quantité. Dans la baraque de Desnos, plus de cent malades se partageaient une pièce non compartimentée, et tous réclamaient à boire. Il supportait tout cela en silence, sans une plainte. Son agonie dura deux jours, pendant lesquels, s'il lui arrivait de répondre, c'était à contre-sens. Le dernier jour, c'est à peine s'il remua rarement les lèvres. Il rendit l'âme le 8 juin 1945 à 5h.30 du matin.

Je m'arrangeai pour qu'on l'incinérât seul (on incinérait généralement par deux, trois et même quatre). Cela eut lieu le même jour dans l'après-midi et j'ai aussitôt emporté les cendres.

Il serait difficile de se faire une idée exacte de son mal et des causes de sa mort. Sa feuille de malade ne comportait qu'un diagnostic approximativement établi, faute de conditions requises pour un examen sérieux (le laboratoire surtout manquait).

Plus que probablement, il s'agissait de paratyphus, de dysenterie, de faiblesse générale, et enfin, d'inanition.

Ma signature garantit la sincérité de cette déposition

(signé) : Josef STUNA,

Etudiant en médecine,

Médecin Auxiliaire à l'Hôpital de

TEREZIN

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traduction tchèque :

Výpovede

 

Jozef Stuna (pomocný lekár v nemocnici v Terezíne) vypovedal v súvislosti so smrťou básnika Roberta Desnosa Československému ministrovi spravodajstva.

 

Niektoré údaje dokazujú, že ten, ktorého som spoznal v Terezíne, bol básnik Robert Desnos.

 

Pracoval som v nemoncici v Terezíne ako pomocník v južnej časti v bloku číslo 2. V noci z tretieho na štvrtého júna toho roku ma služba výnimočne odviedla do bloku číslo 1. Ako som listoval zoznamy chorých , narazil som na meno Francúza Roberta Desnosa, narodeného v roku 1900. Všetky osobné údaje ma s najväčšou pravdepodobnosťou utvrdzovali, že mám dočinenia s Robetom Desnosom.

Keď som sa ho opýtal : « Poznáte básnika Roberta Desnosa ? » odpovedal mi : « Robert Desnos, francúzsky básnik, to som ja.» Výraz, ktorý som videl na jeho tvári počas tejto poslednej debaty, stál za viac, než všetky svedectvá.

 

Podobnosť s fotografiou Nadje de Breton bola nepochybná. Svedkyňa, slečna Alena Tesařová (Praha XII, Korunní 107) ju môže potvrdiť. Stretol som sa s ňou potom, ako si vymenila prvých pár slov s Desnosnom (rozpráva plynulo po francúszky) a bola pri všetkých našich rozhovoroch. Mávali Ona sama sa s ním rozprávala ešte dlhšie a častejšie. Tieto výpovede sú napísané podľa našich spoločných poznatkov a v rovnakom duchu..

 

Nehovoril sám od seba o literatúre ani o sebe. Povedal mi, že bol zatknutý a uväznený v Compiègne, Osvienčime, Buchenwalde a nekoniec v Terezíne. Neprezradil nám veľa o dôvodoch svojho uväznenia. Išlo o maličkosť, ale skutočný prečin, ilegálna novinárska činnosť, nikdy nevyšiel najavo .

 

Keď sme sa spoznali s Desnosom,jeho stav bol viac ako znepokojujúci. Pravdupovediac, zomieral. Oslabol z hnačiek a horúčok, ktoré trvali dva týždne a pohybovali sa okolo 39°. Nemohol jesť, ale trpel iba smädom. Aj keby bolo možné ho uhasiť, v Terezíne prevárali škodlivú vodu iba v malých množstvách. V Desnosovom bloku sa o jednu nerozdelenú miestnosť delilo viac ako sto chorých a všetci boli smädní. Všetko trpel v tichosti, bez sťažností. Jeho trápenie trvalo dva dni, počas ktorých zriedka prehovoril a aj tak to nedávalo zmysel. Posledný deň sotva pohol perami. Zomrel 8 júna 1945 o 5.30 ráno.

 

Zariadil som to tak, aby ho spopolnili samého (spaľovalo sa po dvoch, troch alebo štyroch). Spopolnenie sa konalo ešte v ten deň a ja sám som poobede odniesol popol.

 

Bolo by ťažké určiť skutočnú príčinu choroby a jeho smrti. V zdravotnej karte mal iba jednu nepresnú diagnózu, pretože v tých podmeinkach ho nebolo možné poriadne vyšetriť (laboratórium chýbalo).

 

Viac ako pravdepodobne zomrel na paratýfus, úplavicu, celkovú slabosť a na vyhladovanie.

 

Môj podpis potvrdzuje pravdivosť tejto výpovede.

(podpísaný) : Jozef Stuna, študent medicíny a pomocný lekár v nemocnici v Terezíne.

Tag(s) : #Robert Desnos 1944 1945, #Robert Desnos temoignages, #Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, #Terezin, #Josef Stuna
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